Le travail et l’agriculture en pleine crise de Covid-19 : l'État à l’épreuve d’impasses irrécusables | Par Jean William
D’entrée de jeu, dans une première acception, la notion de
« crise » renvoie à tout événement social ou personnel qui se
caractérise par un paroxysme des souffrances, des contradictions ou des
incertitudes, pouvant produire des explosions de violence ou de révolte. La
notion de crise peut être aussi saisie comme la rupture d’équilibre. Dans cette
perspective, l’humain ou du moins les sociétés humaines en ont toujours connu.
Cependant, les crises, quelle que soit leur nature : économique, sociale,
financière, sanitaire et autres, ont de l’ampleur et de considérations
dépendamment des sociétés, des régions, des groupes elles sévissent. Hégémonie,
Médiatisation et constellation d’intérêt y sont pour beaucoup.
En effet, si l’attention, le regard légitimant, participe du
processus définitionnel du paroxysme des souffrances et des incertitudes –
toute crise sociale, économique, financière et politique, résulte de l’étrange
réalité du lieu et aussi des capacités et moyens de projeter des situations,
des phénomènes en tant que crise. Et ceci, depuis l’opulence et le triomphe du
système capitaliste à l’aube du 19ème siècle, indépendamment de
ses différentes phases historiques : industrielle, économique et
financière, il (le système capitaliste) en a généré pas mal. Depuis le crash
financier américain de 1929, appelé aussi « Jeudi noir »,
résultant outre mais de la surproduction industrielle, mais aussi de la
spéculation boursière et du crédit. Les gens empruntent de manière excessive
pour investir en bourse – quand les prix viennent à baisser, les actionnaires
s’empressent de revendre leurs titres avant qu’ils ne perdent trop de valeur.
Cette crise financière américaine allait résorber les économies européennes et
tant d’autres nations d’Asie, entrainant de nouvelles considérations
hégémoniques des politiques en occident, jusqu’à déboucher sur la seconde
grande guerre de l’ère moderne. Le dénouement de cette grande guerre a changé
la configuration des pôles de pouvoir parmi les puissances économiques et
militaires mondiales, du coup l’ordre hégémonique entre les pays vainqueurs.
De-là s’est aussi advenu de nouvelles modes et mécanismes de domination des
pays tiers par les puissances américaines et européennes.
La crise pétrolière de la fin de la décennie 80 et du début des
années 90, engendrant l’envahissement du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein,
était le prétexte tant attendu pour les multinationales américaines et
européennes, avec l’exutoire de rétablir la paix dans la région du Golf, de faire
mainmise sur les gisements pétroliers et de renforcer leur domination dans le
secteur par le contrôle et l’accaparement des gisements pétroliers dans la
région. Les prix, la régulation du marché pétrolier depuis lors passe par la
concertation hégémonique des puissances hégémoniques du nord.
La crise financière de 2008, connue sous l’anglicisme « Great
Recession » (Grande Récession, en français), une récession dans
laquelle sont entrés la plupart des pays industrialisés du monde, mis à part le
Brésil, la Chine et l’Inde, à la suite du « krash de l’automne
2008 », lui-même consécutif de la crise des subprimes de 2006-2007.
Elle est aussi marquée par une forte hausse des prix du pétrole et des produits
agricoles. De cette crise, de grands groupes de marché de l’immobilier
américain tels que : Simon Property Group et DeBartoloo Realty, qui
aujourd’hui sont fusionnés, sous l’appellation Simon DeBarteloo Group, ont vu
leur chiffre d’affaires accroitre de plus de 2,7 milliards de dollars US.
Tandis que plus de 7 millions d’individus des classes moyennes confondues ont
dû constater impuissamment à leur perte de maison faute de solvabilité
financière. Donc, cette crise financière, comme d’habitude, favorise le capital
au détriment du bien-être humain.
En ce qui concerne la crise sanitaire majeure qui traverse
beaucoup de sociétés mondiales, et qui sévit surtout les groupes sociaux
mondialement défavorisés, en occurrence, la pandémie de Covid-19, les grandes
économies mondiales se montrent consternées par le ralentissement des marchés
financiers plus que de s’empresser pour la concertation autour d’un traitement.
Les catégories sociales défavorisées, les sacrifiés du système de soin
américain sont de loin, les plus victimes. En Europe la situation est quasi
similaire, ajoutée aux gens de catégorie d’âge autour de la soixantaine et
plus. Les situations que nous appelons, que nous étiquetons de crise, surtout
en pleine quête de reconfiguration du capitalisme prédateur[1], ne semble que
concourir à conforter, à renouveler les stratégies et mécanismes des dominants.
Comme l’a si bien dit Colucci :
« Il parait que la crise rend les riches plus riches et
les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c’est une crise, depuis que je
suis gosse, c’est comme ça »[2].
Il importe beaucoup de se préoccuper à chaque fois des périodes de
crise autant des mécanismes de résolution qui y sont engagés. Puisque
très souvent, ils y tiennent de l’inconséquence des politiques financiers,
économiques et sociales des « nouveaux maitres du monde »[3]. Dans
beaucoup de sociétés dominatrices du système capitaliste, tels que : la
France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, USA et autres, en pleine crise de
Covid-19, l'État s’engage à prendre des mesures visant la relance des activités
économiques dans le but de restaurer l’emploi, puis consolider la production
agricole, en allouant au secteur de grosses enveloppes budgétaire. Par exemple,
La Banque de l’Union européenne a débloqué plus de 116 milliards d’Euros pour
soutenir les agriculteurs européens. L’administration de Trump a fait idem, en
débloquant 19 milliards dollars pour soutenir la production et les agriculteurs
américains en pleine crise de Covid-19. Cette politique de relance, en termes
de stratégie de reprise d’activités, depuis plusieurs décennies, pour les
sociétés industrialisées a été toujours l’option. En temps normal, ces pays
dominants ont toujours accordé une importance capitale à leur production
agricole. Nécessité de se disposer des réserves de denrées pour leur propre consommation,
et aussi du fait de l’impérieuse obligation d’exporter.
Thiago Lima[4], philosophe et spécialiste des relations
internationales de l’université fédérale de Paraíba, Brésil, dans un essai sur
l’incessante volonté des économies mondiales dominantes, de doter leur secteur
agricole d’une enveloppe considérable dans leur budget depuis la fin des deux
grandes guerres. Pour s’expliquer, il dénonce l’attitude, soutient la thèse du
protectionniste de ces pays, et de leur volonté de faciliter les entreprises
agricoles, les grandes multinationales de l’alimentation d’occuper les premiers
rangs dans la production et la distribution des produits et denrées agricoles.
En même temps, ce mode d’occupation du marché agraire et de l’alimentation par
ces pays, réserve tout court aux agriculteurs et petites entreprises des pays
tiers, le statut de consommateurs privilégiés et classifiés.
La problématique du travail et de l’agriculture, s’inscrivant dans
l’ordre des préoccupations des pays impérialistes n’est approchée que par le
spectre d’intérêt. D’ailleurs même au sein de leur propre société, le
déséquilibre créé par le marché de l’emploi et de l’industrialisation liée au
secteur agraire constitue de vraies menaces d’implosion. Le rapport de la
Banque Mondiale sur la situation de l’emploi paru en 2018, atteste d’une
inégalité criante entre les régions du monde par rapport à l’accès à l’emploi.
Sur deux milliards de personnes en situation de travailler dans le monde, plus
1 milliard 700 millions se trouvent dans les régions les plus pauvres du monde,
et les femmes sont les victimes imminentes. D’un autre côté, le rapport de FAO
de 2017 sur la situation de l’alimentation et de l’agriculture dans le monde
montre que le processus de mécanisation de l’agriculture dans les pays pauvres
peine à se développer. Le continent africain une partie de l’Asie centrale et
de l’Amérique centrale et de la Caraïbe y sont très représentés. Phénomène qui
provoque l’exode, la migration forcée de plus de 60 % des jeunes des milieux
ruraux vers les mégapoles des grandes villes de ces régions citées ci-dessus.
La tentation hégémonique, concept élaboré par le politiste
américain Jack Snyder[5], pour tenter de saisir et d’expliquer le déploiement
d’une panoplie de stratégies et de politiques militaire, agricole et de
l’emploi des pays dominants. Cette attitude conquérante des économies
dominantes vise la conservation de leur suprématie et de la sidération des
mécanismes de résistances d’autres économies et surtout d’autres États,
constellé dans la misère et l’assistanat. La tentation hégémonique, constituant
l’étoffe des pays rudement industrialisés, ne laisse aucun espoir de changement
de cap, de paradigme des économies impérialistes. Le travail, l’agriculture, la
santé, l’éducation suivent leur cour consubstantiellement au développement de
ce système. Il ne faut pas se leurrer, ni trop miser sur le changement de
paradigme, de schèmes fonctionnels des économies impériales en dépit de la
crise du Covid-19.
Le travail et l’agriculture, si les pays dominants se hâtent de
trouver les mécanismes de relance, il faut bien encore le situer dans leur
volonté acharnée de maintenir le procès de leur statut hégémonique. Autrement
dit, la crise sanitaire quasi mondiale avec des rebonds significatifs sur l’économie,
le politique et le social, ne conduira pas à une remise en question collective
des grandes puissances sur la nécessité de rendre accessible les soins de
santé, le logement, l’alimentation à tous-tes, et ceci en tout lieu. Déjà le
type de gestion mise en place par les puissances économiques entre elles durant
cette crise sanitaire mondiale, atteste d’une certaine désagrégation de la
solidarité. La crise de Covid-19 montre, démasque l’hypocrisie et la
supercherie des pays les plus riches de l’occident, en ce qui concerne la
course à la relance des activités économiques. Enliser dans le modèle
impérialiste à tous égards, entêter dans l’expansion d’un type d’humanité
déséquilibré, d’une altérité d’effacement, d’écrasement de l’autre, les États
dans les pays dits développés, n’en feront aucun repli, quand même le Covid-19
les y invitera.
Des situations de troubles, des périodes de convulsions, et de
grandes contestations sociales, les sociétés occidentales en ont toujours
connus et conjugués. Et les crises, quand elles s’amènent ne restent pas sans
influencer, sans aggraver les déficits de progrès et d’avancement
socio-économiques des pays et sociétés au chevet des sociétés occidentales
développées. Ce phénomène, Immanuel Wallerstein, nous le décrit très bien dans
ses réflexions sur le développement du système capitaliste. Il soutient :
« le système capitaliste dans ses envolées planétaires, contraint les
populations des sociétés périphériques à se constituer en société de
substitution en ce qui a trait à la massification des bras pour l’assise de la
main-d’œuvre – et aussi pour le déversement des biens de toute sorte produit
par ces bras, spécifiquement dans l’agro-alimentaire »[6] Les multinationales
de l’agro-alimentaire américaine et européenne, General Mills, Kellogg,
l’Associated British Food, Danone et autres ne cessent d’empirer la situation
précaire des agriculteurs des pays sous-développés dans la production intense
des denrées agricoles de première nécessité et de la concurrence déloyale des
produits comme le soja, l’huile de Mazola, des produits laitiers et du sucre.
La délocalisation des entreprises occidentales dans le cadre de la
multiplication du capital d’investissement est l’un des mécanismes participant
à la paupérisation des masses ouvrières des pays dit sous-développés
mondialement. En outre, l’expansion des manufactures de textile et de tant
d’autres industries agro-alimentaires délocalisées participe de la stratégie de
rareté de travail et en même temps de la création de l’armée de réserve pour le
fonctionnement et l’équilibre de l’économie capitaliste. Donc, les États,
surtout dans les sociétés fortement industrialisées, projettent la création de
l’emploi délocalisé sous la rubrique d’investissement étranger pour mieux
s’assurer de la reproduction du capital et de son assise.
L'État haïtien : le travail et l’agriculture dans le contexte
de Covid-19
Sans quasi aucune surprise, le constat d’irresponsable des
dirigeants haïtiens, auréolé d’un amateurisme aigu dans les moments décisifs du
pays ne cesse d’étonner plus d’un. Les moments de crise, les tranches
d’histoire les plus difficiles et contrastées du pays semblent ne pas nous
laisser, nous doter d’aucune mémoire. La première grande crise de notre
histoire de peuple libre, la mort de Dessalines et de son idéal de liberté et
de bien-être pour tous reste inouïe dans l’imaginaire collectif. Sa mort,
planifiée et organisée par les autres généraux faisant la guerre de
l’indépendance à côté de Dessalines et parvinrent à la victoire peut être considérée
comme la crise initiale du nouvel État. Les généraux conservateurs,
nostalgiques du modèle administratif colonial esclavagiste, voyaient d’un
mauvais œil l’accès à la terre aux nouveaux libres et aussi bien l’acquisition
de leur liberté. Cette crise, étant originelle dans la formation sociale
haïtienne, et promu tout au long de notre histoire de peuple par nos dirigeants
s’érige en un phénomène irréversible. Depuis lors, le projet de société
triomphant avec les groupes sociaux dominant, marginalisant – mulâtres et
anciens généraux de l’armée indigène et de leur descendants – anti
-projet de société dessalinienne, persiste. Le travail pour les masses pauvres,
l’accès à la terre pour les masses paysannes ne font l’objet de préoccupation
du type d'État triomphant.
La crise de 1843, a été une autre période à la fois déterminante
et fracassante pour la consolidation de notre indépendance et de l’orientation
socio-politique du nouvel État. La révolte populaire contre le président
Jean-Pierre Boyer et de sa dictature, en vue du rétablissement de la démocratie
et de la constitution de Dessalines de 1805 atteste de la quête de liberté des
nouveaux libres. Malgré l’ascension au pouvoir du chef de cette révolte, en la
personne de Charles Rivière Hérard, l’application de la constitution de
Dessalines, en termes de concession de terre aux nouveaux libres, et de leur
participation dans les structures décisionnelles de l'État peinaient à se
concrétiser. La crise de 1867-1869, survenue sous la présidence de Sylvain Salnave,
a été encore une fois, une période de grandes incertitudes et de déception pour
les masses paysannes haïtiennes. L’avidité mortifère, exclusiviste de la
bourgeoisie de l’époque allait être pointée, basculée par les mesures du
Président Salnave. Dans son ouvrage, Georges André Adam[7], présente Sylvain
Salnave comme un anti-bourgeois. Il entendait mener une politique sévère à
l’égard des possédants, leur imposant des taxes destinées à améliorer le sort
de la population et demandant aux commerçants de baisser le prix des produits
de première nécessité. La bourgeoisie se révolte, Salnave fait construire des
magasins de l'État. Toutefois, son obsession de moderniser la flotte militaire
pour contre -carrer les assauts des fractions armées soutenues par la bourgeoisie,
engagea de grandes dépenses de l'État, du coup contribua à appauvrir l’économie
du pays et la population aussi. Ces crises, au tout début de notre expérience
de peuple libre, malheureusement allait structurer la grande mésentente
sociétale en Haïti. Phénomène que Jean Casimir décrit comme dialogue de sourd,
mésentente entre les élites du pays et le reste de la nation. Pour sa part,
Gérard Barthélémy désigne comme conflit originel en Haïti entre les catégories
sociales : bossales et créoles.
La crise de 1991, avec le coup d'État militaire de l’oligarchie
économique composée en majeur partie des mulâtres, peut aussi s’inscrire dans
la lignée de la crise de Sylvain Salnave. Le refus de la bourgeoisie
exclusiviste d’accepter que l'État s’engage dans l’amélioration des conditions
de vie des catégories sociales majoritaires et précaires du pays. L’arrivée du
président Aristide au pouvoir avec plus de 60 % de vote populaire dérangeait,
intimidait l’oligarchie dominante. Les annonces et discours du président
Aristide visant le contrôle de l'État des ressources du pays, et de travailler
pour améliorer les conditions de vie précaires des masses pauvres résonnaient
mal aux tympans de la bourgeoisie accapareuse. La junte militaire, s’alliant
avec cette bourgeoisie allaient orchestrer le « putsch » contre
l’espoir qu’inspirait le régime d’Aristide aux masses défavorisées. Durant
cette période de bouleversement politique et de grandes incertitudes pour les
masses défavorisées, La bourgeoisie traditionnelle exclusiviste accaparait des
moyens de l'État au détriment des masses paysannes et des quartiers populaires.
Franchise, contrebande, taxes impayées, mainmise sur la Banque centrale (BRH),
produits avariés et le narcotrafic devenaient des pratiques opulentes du régime
militaire supporté et endossé par l’oligarchie dominante.
L’envolée de prix des produits de première nécessité et la
répression systématique de la junte militaire envers la grande majorité
défavorisée de la population, surtout les gens des quartiers populaires
constituaient l’actualité. Même après le retour d’Aristide en 1994, la crise de
bien-être des majorités démographiquement pauvres du pays allait persister. Les
différentes fractions économiques de l’oligarchie dominante et les hauts gradés
de l’armée s’enrichissaient de façon effrénée, et le procès de déshumanisation
s’aggrave davantage pour la majorité de gens les plus précaires.
La crise humanitaire provoquée par le séisme du 12 janvier 2010, a
été encore une fois l’occasion de saisir et de comprendre le désintérêt et
l’indifférence des dirigeants de l'État vis-à-vis de la population. La gestion
du séisme a été une catastrophe totale s’agissant de la manière dont l'État
organisait l’urgence. Les fonds et moyens, débloqués par l’international pour
aider le pays à faire face aux graves conditions humanitaires qui sévissaient,
ont été d’une part, accaparés, spoliés par les représentants des pays donateurs
via les ONG organisant l’urgence, d’autre part, ils (les fonds) ont été
détourné par les autorités de l'État. Les victimes, en grande partie issues des
quartiers pauvres de la capitale et de ses environs, ont fini dans les recoins
de la désolation, de la misère et de la déception.
Le séisme, sous un angle d’objectivation, offrait l’opportunité
aux autorités d'État de poser les problèmes de planification urbaine, de
logements sociaux, d’imposition de normes modernes de construction. Il a été
l’occasion ultime, pour l'État d’insuffler la main-d’œuvre dans le secteur de
la construction avec l’ouverture de grands chantiers publics. Tout le contraire
a été observé. Les dirigeants politiques et les gouvernements qui se sont
succédé depuis lors, ne font qu’organiser et structurer une mafia autour des
programmes et projets d'État dilapidant les fonds de la reconstruction du pays
et celui du programme d’échange et d’entr’aide bilatéral pétro-caribe entre
Haïti et le Venezuela. Aucune politique agraire n’a été engagé pour insuffler
l’agriculture et le travail agricole jusqu’à date. La création de banque agricole
pour les paysans se fait encore attendre. Le secteur privé des affaires,
l’administration publique n’ont insufflé l’économie nationale en créant
d’emplois pour les jeunes diplômés et des professionnels en chômage chronique.
Vraisemblablement, les crises dans le contexte historique haïtien, confirment
très souvent l’adage créole « mal sele k ap foule ».
Quant à la crise sanitaire qui sévit mondialement, Les sociétés
occidentales dominantes, économiquement, s’empressent de relancer leur
économie. L’agriculture et le travail constituent deux grands points de
préoccupation des États les plus industrialisés, et en même temps très touchés
par la crise du Covid-19. Ils (les pays développés) s’accourent à renforcer
leur infrastructure sanitaire, leur système de soin, sans négliger leur secteur
agricole, qui, pour sa part doit pouvoir continuer à fournir des produits
alimentaires et la production de denrées pour renouveler les stocks et aussi
d’éviter la disette. Globalement, le Covid-19 apporte de nouveaux enseignements
au monde entier. Surtout en termes de prévision, de planification stratégique,
enfin en ce qui a trait à la gestion et du management des situations
imprévisibles.
Alors, il parait qu’il est très loin dans l’entendement de nos
dirigeants actuels de comprendre les enjeux et opportunités de planification
stratégique offert par la crise sanitaire du Covid-19. La construction et le
renforcement d’infrastructures sanitaires dans les régions du pays s’imposent
de fait. La formation massive des professionnels de santé et de personnes
d’appui devient obligatoire. La problématique de l’assainissement des espaces
publics, des centres d’apprentissage publics et privé, des institutions
publiques et autres doit se poser avec un pragmatisme actant. Cependant, le régime
actuel s’importune très peu de ces exigences. Les fonds octroyés à
l’administration Jovenel-Jouthe par les organismes financiers internationaux
(FMI, Banque Mondiale), ne sont encore engagé pour la mise en disponibilité et
la dotation du pays des matériels et équipements sanitaires. Aucune politique
de baisse du chômage n’a été planifiée dans le secteur médical, vu l’urgence
provoquée par le Covid-19. Avec la fermeture des points frontaliers avec la
République Dominicaine, la rareté de beaucoup de produits et denrées agricoles
se font sentir dans les marchés publics haïtiens.
Jusqu’à date, aucun plan stratégique de production agricole a été
défini par le pouvoir actuel, en dépit des prévisions de famine menaçant le
pays dans les mois à venir. N’ayant pas les mêmes moyens financiers, ne
possédant pas les mêmes ressources humaines que les pays développés pour
rebondir après cette crise, l’inaction des autorités en termes d’anticipation,
n’est-elle pas représentative, significative d’une crise d’humanité profonde de
nos dirigeants ?
Déjà, la dénonciation du comité scientifique de la gestion du
Covid-19, par la voix de Jean William Pape, de la lenteur du pouvoir dans le
décaissement des fonds pour les travaux de terrain témoigne de l’atonie des
dirigeants à protéger la population.
Pour ne pas conclure
La notion de crise, concept multidimensionnel et d’une sémantique
plurielle de la science politique et de la sociologie politique, évoque des
situations d’incertitudes, des phénomènes atypiques dans lesquels la
compréhension du fait sous étude semble être consubstantielle au mode de
gestion adressé au phénomène et de l’intérêt accordé à la quête de solution.
Les faits en soi, ne font pas crise, si l’on ne les associe pas aux
motivations, aux rangs, conditions et positions des acteurs qui doivent engager
l’action de sortie de crise. Un autre article viendra étayer les facteurs
motivationnels, de position et d’intérêts des dirigeants haïtiens dans ce type
de gestion fait de la crise de Covid-19.
JEAN WILLIAM
Politiste et sociologue,
Professeur à l’Université d'État d’Haïti
_________________
[1] Concept élaboré par Marie-Jean Sauret, dans un article publié
dans le quotidien L’Humanité sous le titre « Le capitalisme immoral,
prédateur, criminel détisse le lien social » paru le 12 octobre 2018.
[2] Colucci, Michel, dit Coluche, - Extrait du Sketch « le
chômeur », 1970.
[3] Ce concept de Jean Ziegler, un ensemble d’opérateurs au cœur
du marché globalisé, : banquiers, hauts responsables de sociétés
transnationales, agents du commerce mondial accumulant l’argent, qui détruisent
l'État, la nature et les êtres humains. Les nouveaux maitres du monde et
ceux qui leur résistent, Édition Point, Paris, 2015.
[4] Lima, Thiago, Agricultural protectionism in developed
countries as a State interest, press of Paraiba University, Janvier 2012.
[5] Snyder, Jack, « Mythes d’empire et stratégie
d’hégémonie », Cairn.info in Critique Internationale, no 26, page 59,
2015.
[6] Wallerstein, Immanuel, Le capitalisme historique,
Collection poche/sciences humaines, Édition la Découverte, 2011.
[7] Adam, Georges André, Une crise haïtienne,
1867-1869 : Sylvain Salnave, Editions Henri Deschamps, p.56,
1982.
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