Corona virus : autre événement confirmant l’odyssée du désengagement des dirigeants haïtiens du régime actuel | Par Jean William
Depuis le mois de décembre dernier, presque
tous les pays du monde ont tourné leur regard vers la Chine – atteinte ou
frappée par le virus, scientifiquement dénommé SARS-CoV-2, lequel virus passe
aujourd’hui au stade de pandémie mondiale connue sous le nom de Covid-19. Cette
pandémie, a occasionné plus de 3000 morts en Chine et des dizaines milliers de
personnes infectées. La plus grande population mondiale était frappée de plein
fouet, et plus d’un s’attendaient à une chute précipitée de la première
puissance économique mondiale. À la fin du mois de décembre dernier, aussi bien
qu’au milieu du mois de Janvier, dans la Une des grands magazines économiques
britanniques, américaines et françaises comme the Economist, Daily telegraph ; The New York Times,
The Wall Street Journal ; la
Tribune, Le Nouvel Économiste, des prévisions catastrophiques ont été
faites sur l’économie chinoise et de sa résilience. Paul Krugman, le chroniquer
vedette de New York Times à même
qualifié l’économie chinoise de géant en papier. Le pays-continent était quasiment
dos au mur et en a souffert beaucoup des pertes en vie humaine et des dégâts considérables
dans sa balance économique et de son grand élan financier mondial.
Toutefois, les autorités chinoises se
sont mises en branle pour élaborer des plans stratégiques sanitaires et aussi
ont pris des mesures allant dans le sens de la responsabilité de l’État
vis-à-vis de la protection des vies de ses citoyens, et de la prise en charge
des malades. Avec du sérieux de l’engagement et de bonnes planifications des
dirigeants et des élites scientifiques du pays, la Chine parvient à contrôler
le flux et l’évolution massive du virus. D’autant plus, aujourd’hui elle (la
Chine) se met disponible pour aider d’autres pays européens qui sont en train
de subir les ravages de la propagation rapide du virus (Italie, Espagne,
France). Aujourd’hui, 22 mars, suivant les statistiques publiées sur le site
CNN, le virus a occasionné environ 15.000 morts dans le monde, et sa vitesse de
propagation progresse de façon vertigineuse. L’Italie à elle seule compte plus
de 5000 morts. Le continent africain commence à découvrir des cas en testant
des personnes positives du virus, comme le Cameroun et la Tunisie, le Nigéria
et autres. Dans la Caraïbe, plusieurs pays ont testé des gens positifs du
virus, plus près de nous, la République Dominicaine, avec 111 cas vendredi
passé. Qu’en est-il de notre situation par rapport au fléau que représente le virus
? Comment les autorités gèrent, traitent et organisent l’information par
rapport à la dangerosité meurtrière du virus ? Dans quelle mesure les rumeurs
sordides et mythiques organisent le comportement de la population en lieu et
place de l’information continue et des mesures stratégiques définies par les
autorités haïtiennes ?
Par subterfuge ou par sens de
responsabilité, le jeudi 19 mars, aux environs 8 heures du soir, le président
Jovenel Moïse, eut à faire une adresse à la nation s’agissant de la mettre au
courant des mesures adoptées par son pouvoir, vraisemblablement, visant la
protection et la prévention de la population du grand danger auquel elle se
trouve exposée : Covid-19. L’allocution du président, dans son énoncé
s’apparenterait à des menaces adressées à la population en lieu et place d’accompagnement
du pouvoir vis-à-vis de la population haïtienne. Pour un virus qui se répand
aussi vite et contamine déjà plus d’une centaine de personnes chez nos voisins
dominicains, aucune mention de la façon dont l’État compte rationaliser et
mobiliser ses ressources médicales, financières, communicatives et techniques
n’a été évoquée par le président de la République. Oubli, désinvolture,
insouciance, seul le chef d’État peut en témoigner.
Pour asseoir son allocution, le chef de
l’État a dû sortir deux fameux cas d’infections de corona virus dans le pays,
venant de deux étrangers, un citoyen haïtien, et un autre belge se trouvant du côté
de Saint-Michel de Latalaye.
Au fait, le président n’avait pas parlé
de dépistage dans ces deux cas : une grande légèreté. En toute vraisemblance, parait-il
que le gouvernement n’ait pas vraiment d’information ou ne veut pas organiser
l’information autour de l’ampleur et de l’actualité du virus en Haïti ? Les
mesures de confinement et de couvre-feu évoquées par le chef d’État sont-elles
réellement plausibles sans l’élaboration et de la mise en place des stratégies
de soutien et d’aide populaire par le pouvoir en faveur des grandes masses pauvres
vivotant au quotidien ? Le Corona virus, n’est-il pas sur le point de dénuder
l’amateurisme de nos autorités publiques ?
En tous cas, encore une fois, la
stratégie mimétique saugrenue des dirigeants du régime en place de reprendre ou
copier des mesures prises par des dirigeants étrangers dans des contextes particuliers
et situations singulières n’en finit pas. Dans les moments décisifs, cruciaux
pour la société haïtienne les dirigeants ne cessent de faire preuve de légèreté
et d’incompétence. Des discours et/ou adresses à la nation sans teneur et
circonspection contribuent plus d’une fois à enlever la voile de mètdam,
de rapaces et de magouilleurs des décideurs de l’État. Ainsi, face à de telles
attitudes, on est en situation de se demander pourquoi le président a-t-il voulu
mobiliser l’opinion publique sur l’entrée du virus en Haïti, en évoquant deux
cas, sans même se soucier de préciser le dépistage effectué ? Y a-t-il eu une
course, une précipitation du pouvoir de trouver des cas ? Et Si tel est le cas,
quelle serait la motivation du président de la République ? Puis, comment
est-ce possible pour un pouvoir d’évoquer des mesures de restriction pour
combattre le Corona virus, sans en dévoiler des plans stratégiques, des
politiques de procuration de test de dépistages, de matériels
médicaux/sanitaires et de mobilisations de personnels médicaux – éléments
incontournables pour le contrôle et la maîtrise du virus ? Un tas d’autres
questions pouvaient être posées, mais tâchons d’analyser un peu
l’irresponsabilité criante des hauts responsables de l’État.
Comme d’habitude, les dirigeants haïtiens
se refusent et évitent toujours leur responsabilité quand il s’agit
d’accompagner la population dans des moments difficiles et périlleux. La
posture de quémandeur malpropre et le recourt à l’assistanat s’avèrent être
leur perpétuelle cuirasse. Séisme, épidémie de choléra, émeute de la faim et
maintenant pandémie du Corona virus, semblent accroître l’attitude dévoreuse et
opportuniste de nos dirigeants au détriment de la population. Une seule
préoccupation leur possède et remplit : l’aide, l’aide et encore l’aide
international. Aujourd’hui, le Corona virus va encore nous offrir l’opportunité
d’observer l’avarice et l’avanie de nos dirigeants par rapport à l’affaire
d’aide.
Dans le cadre de la mobilisation et de
l’octroi des fonds pour combattre la pandémie actuelle, un ensemble d’organisme
financiers internationaux (Banque mondiale, FMI) et d’organisations mondiales
(OMS, USAID) fomentent des plans stratégiques d’aide au pays sous-développés du
monde. Haïti en fait partie. L’aide financière prévue, étant une partie du package conduisant a la solution, et non
la solution en soi, pour qu’elle soit efficace et bénéfique doit se débloquer
en fonction des dispositions et travaux de systématisation d’information, de
coordination et de mobilisation du secteur médical et sanitaire du pays, ajouté
à un plan d’évaluation stratégique national, territorial pour mieux engager la
lutte contre la pandémie.
L’aide ne servirait à rien dans le cas
où les dirigeants ne se représentent pas une pédagogie ambitieuse, analytique
préalable à son utilisation. Jusqu’à date, un type de suspicion atypique de la
population vis-à-vis des dirigeants en attente de l’aide est à observer. Un peu
partout dans le pays, comme à Port-de-Paix, aux Cayes, et même à Port-au-Prince
des tentatives de mouvements de mobilisation anti-mesures présidentielles dans
la lutte contre le Corona virus ont failli faire recette. Des doutes planent,
et ceci, de grands doutes s’objectent sur la posture confuse et les manigances communicatives
maladroites des hauts responsables de l’État (présidence, primature) en ce qui
a trait au mode de gestion de la pandémie Corona virus sur tout le territoire.
La gouvernance n’est même pas à son
minimum. La maîtrise de notre démographie, et de la cartographie médicale
semble bel et bien échapper aux décideurs. Pourtant les dirigeants se vantent
d’avoir le contrôle de la situation, de prendre les meilleures dispositions
possibles. Ce mode de gouvernance mitigé, mythique, du genre yoyo, participe de la stratégie de
perpétuation de privilèges de clans médiocres, inconsistant et pariât au
pouvoir, ne visant que la gestion minimale de la population et l’appropriation
partisane de l’administration publique. Le sérieux n’est pas à rechercher dans
le régime au pouvoir. Pour eux, catastrophe, échéance, pandémie, crise ne
veulent rien dire – ou du moins, n’interpellent en aucun cas l’État, ses
moyens, ses ressources. Au fait, comme l’évoque Alain Deneault[1],
l’opulence dans la corruption, l’irresponsabilité avérée sont les vraies caractéristiques,
les réelles teintes des régimes de médiocre.
La véritable crise de l’État haïtien
dans ces dernières années s’avère être une méfiance ostentatoire de la
population vis-à-vis de ses dirigeants. Dans la majorité des cas, toute mesure
et/ou décision prises par les dirigeants indépendamment du secteur considéré
semble au prime à bord dépréciée par une majeure partie de la population. L’État
est trop souvent sujet de dédain et de révulsion des citoyens-nes. Le pays est
stagné. La distanciation existante entre les politiques et la société haïtienne
reste béante. À force d’enfoncer la population dans la misère et le déboire,
l’État ne se projette que par son côté prédateur et jouisseur aux grandes
masses précaires, majoritaires du pays. La voix de l’État à force d’être roquée
par le mensonge et la supercherie semble laisser aux dirigeants aucune voie de
trouvaille, et de communication avec la société haïtienne. Alors, dans ce cas,
aucune issue semble être possible pour les hommes et femmes au pouvoir de se
parer d’autorité pour s’adresser, dialoguer, discuter avec leur sujet. Et c’est
de cette fenêtre que l’on doit essayer de saisir et de comprendre l’interminable
dialogue de sourd évoqué par Jean Casimir[2]
s‘agissant du rapport tendu de la population d’avec ses élites dirigeantes. Et
ce ne serait pas ronflant d’entrevoir les élites dirigeantes agissant au sein
de l’État contre les moyens et mécanismes de survie populaire. Pour reprendre Olivier
Barbeau[3],
les dirigeants haïtiens aux plus hauts niveaux de l’État s’offrent une lutte
incessante contre le bien-être collectif. Sous prétexte de combattre un virus,
qui, jusqu’à ne fait pas l’objet d’une politique stratégique médicale et
sanitaire, le pouvoir évoque des mesures de confinement de la population. Une
population sans logement, sans divertissement, sans moyens économiques, sans
centre commercial de ravitaillement de proximité comment le confiner ? En
ne se montrant pas solidaire par la fabrique des mesures d’assistance
exceptionnelle vis-à-vis de la majorité défavorisée, n’est-ce pas une
rhétorique, une stratégie meurtrière massive à laquelle le pouvoir entend
exposer la population ? Ou du moins, par le fait que l’instinct de survie
mettrait toujours la majeure partie de la population dans les rues pour tenter
de satisfaire leur besoin de se nourrir au quotidien, n’est-elle réellement
exposée à la contagion du virus ?
Dans les deux questionnements ci-dessus,
la population se trouve entre l’enclume et le marteau. Et les autorités d’État
se contentent de les observer de haut.
Jean William
Sociologue
Politologue
Professeur
à l’Université d’État d’Haïti
[1]- Dénault, Alain, La Médiocratie. Lux
Editeur, Collection Lettres libres, 2015.
[2]- Casimir, Jean, Haïti et ses élites :
l’interminable dialogue de sourds, Edition de l’Université d’Etat d’Haïti,
2009.
[3]- Barbeau, Olivier, L’horreur politique. L’Etat
contre la société, Manitoba, Editions Belles lettres, 2017.
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