Je conteste la décision du Rectorat de reconduire le Conseil de Gestion du Campus de Limonade

Après ce que je viens de faire au Campus de Limonade
si les professeurs ne se soulèvent pas
c'est qu'ils ne sont pas des hommes (sic.).

Sommes-nous des incomptés au CHCL ? La décision que vient de prendre le rectorat pour reconduire unilatéralement et illégitimement le Conseil de Gestion vient de nous le montrer.
Ne pas réagir à cette insulte, à cette décision grotesque entérinera de manière durable cette posture cavalière et paternaliste du rectorat, et hypothèque l'avenir du Campus vers les pratiques clientélaires et népotistes qui constituent la toile de fond du fonctionnement du rectorat, déjà dénoncé par nombre d'observateurs. La seule chose qui vaille, en ce temps de grande désolation où le respect de l'intégrité institutionnelle est foulé au pied au profit de calculs électoralistes et de peur d'affronter les incertitudes de la pluralité des points de vue, consiste à combattre ces pratiques qui ont miné l'excellence académique en renforçant constamment les réseaux nébuleux de privilèges et de  petits privilégiés.
Les responsables du rectorat ont oublié un principe cardinal, celui de la légitimité et de la publicité de l'espace universitaire. Au sein de l'institution, la légitimité est établie par l'ensemble des acteurs de l'institution qui ont à obéir aux décisions des autorités installées. Mieux cette autorité découle du choix partagé des membres de l'institution mieux elle se donne les moyens de faciliter les prises de décision qui deviennent des choix de la majorité. Le réflexe de ces responsables, trop susceptibles, trop inquiets de leur légitimité, est de court-circuiter constamment les procédures et entreprendre de coups de force, croyant par-là avoir gain de cause de leurs contestataires. Ainsi la publicité est bafouée. Les coups bas sont les affaires des anxieux, qui ne croient pas à la vérité, et qui ne savent pas que le cours de l'histoire n'est pas tracé du seul trait de la peur. Le courage est une valeur de l'âme ouverte joyeusement vers l'avenir dans l'amour de la liberté et de l'humanité. Les coups bas! Expression d'une âme fragile et faible ou affaiblie…
Je conteste la décision du rectorat de reconduire le Conseil de Gestion au nom de plusieurs principes.
-     Le principe du bilan. S'il y a lieu de reconduire l'ancien Conseil qui avait eu pour mission de structurer le Campus et d'y réaliser des élections au cours des trois années de mandat, encore est-il important que ce Conseil livre son bilan et explique les raisons pour lesquelles il n'a pas pu atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Ce bilan ne doit pas être seulement rendu au rectorat, il doit être publié à la communauté du Campus afin que tous puissent juger de la véracité des informations. Dans cette perspective, toute la communauté universitaire peut remarquer qu'aucune structuration n'a été entreprise au Campus qui a connu près de 4 changements de tentative d'organisation administrative. En réalité, il a toujours été question au fond de gestion politique du Conseil fragilisé à maintes reprises par son inefficacité. Ce tâtonnement exprime clairement que l'objectif de structuration est à sa case de départ et que le Conseil a manqué à sa mission. Le même constat porte sur la structuration de l'académique. Certes, une tentative a été réalisée sans grand résultat du fait que les curricula ne sont pas ordonnancés et validés. Le projet de doter le Campus d'une structuration académique titube comme un regard myope qui soutient des pas hésitants. Sur ce point encore, le Conseil a failli à sa mission. En fin de compte, ce dernier était appelé à réaliser en fin de mandat des élections pour, à partir des acquis de la structuration, procurer une légitimité véritable au Campus laissé pour compte par un rectorat qui ne s'intéresse qu'à y imposer ses tentacules tout en interdisant les participations décisives du Campus aux prises de décision le concernant. Rien ne justifie le choix de reconduire un Conseil qui n'a pas su répondre aux attentes et aux revendications des étudiants, des professeurs et des employés du Campus.
A coté de tous ces problèmes relatifs aux objectifs de structuration et de réalisation des élections, il faut prendre en compte la vie quotidienne au Campus. Le bilan du Conseil est négatif. Certains ont constaté qu'un calme règne au Campus, alors que le Campus ne fait gérer en silence sa crise de structuration et d'orientation au quotidien. Quelques exemples: la vie au Campus est un calvaire à la fois pour les professeurs, les employé et pour les étudiants. Pas de Cafétéria depuis quelques temps. Les marchands de fortune répondent à peine aux besoins d'une communauté de 3500 personnes en vendant des produits qui ne satisfont pas l'endurance de la vie enseignante et étudiante.
 Les professeurs n'ont pas cessé de revendiquer des conditions acceptables de travail: salle pour se reposer entre deux cours, livres pour préparer les cours et la documentation des étudiants, un service d'internet optimal, des impayés étalés sur plusieurs années fiscales, etc. Entre-temps certains membres du Conseil passent plus de cinq mois par an à l'étranger. Au nom de quel principe peut-on accepter l'absence répétée d'un responsable ?  Par ailleurs, on peut imaginer les méfaits administratifs et le problème éthique de ces absences : sur trois ans, certains accusent une absence de 15 mois, soit plus d'une année sur trois en moyenne.
-     Le principe de la transparence. Aucun bilan financier portant sur les trois années de gestion du Conseil. Aucun audit n'a été diligenté pour fonder le choix de la reconduction sur la gestion transparente des fonds. Le besoin de transparence comme critère d'appréciation dans la gestion financière serait-il devenu superflu dans une société où la corruption généralisée devient la forme de vie des institutions et des responsables ? L'université se doit de se parer de ces écarts observés dans les autres institutions publiques.
-     Le principe de la participation ou le principe de la collégialité. Le rectorat a convoqué quelques employés au rectorat pour leur donner la primeur sur sa décision de reconduire le Conseil de Gestion. Où sont les professeurs ? Deux professeurs ont été invités à titre de membres du Conseil professoral. Dans de telle situation ne serait-il pas plus sage de convoquer une assemblée mixte, avec la présence obligatoire de tous les professeurs du Campus, pour discuter de la pertinence de l'intention de reconduction. Où sont les autres employés ? Où sont les étudiants ? La posture des responsables du rectorat nous rappelle les pratiques anciennes de la métropole face à la colonie dont ils héritent. Produire des décisions surplombantes au mépris de ceux qui sont dans la colonie. Ici, le rectorat veut dire que nous qui sommes à Limonade nous ne sommes que des pantins.
Je conteste cette manière de nous enfermer dans l'insignifiance. Au nom du respect de la noblesse du métier de l'enseignant, de la noblesse de l'institution universitaire, ces pratiques humiliantes, qui ourdissent la conviction que nous serions des voix nulles qui méritent pas d'être prises en compte.
-     Le principe de la discussion et de l'explication. Toute reconduction devrait être entreprise à partir du compromis auquel aurait donné lieu la discussion entre les instances du Campus et le rectorat. La décision prise est arbitraire et ne jouit d'aucune explication. Serions-nous si nuls pour pouvoir comprendre les raisons du rectorat, et de ce fait, qui aurait jugé superflu de s'expliquer aux professeurs, aux employés et aux étudiants ? Il s'agit d'une insulte inacceptable que nous devons contester farouchement.
-     Le principe de la légitimité. Le rectorat est-il source de légitimité du Campus ? La légitimité concerne l'acception des modes d'imposition de ceux qui doivent recevoir la mise en œuvre du pouvoir de gestion ou d'organisation. Le lieu de la légitimité est au Campus fondé par les professeurs, les employés et les étudiants. En contournant le principe de la discussion et de l'explication, le rectorat met à mal la légitimité du Conseil qui devient de facto.
-      Le principe éthique d'autoévaluation. Les membres du Conseil de Gestion devraient s'interroger sur le sens éthique de leur reconduction. Au nom de quel principe exigent-ils la reconduction de leur mandat quand ils sont trois ans plus tard à la case de départ, celle d'une structuration manquée, d'un manque accru de légitimité et d'autorité face à des professeurs, des employés et des étudiants auxquels ils ont tenu des promesses non tenues ?
-     Le principe du respect. Le respect est le principe éthique qui pose l'humanité comme fin, jamais comme moyen. Prendre l'homme comme fin c'est interpeller la faculté grâce à laquelle l'homme fait l'expérience de sa majorité: la faculté de juger. Ne pas interpeller notre faculté de jugement qui reste la marque de la raison critique c'est nous traiter en mineurs. Donc le rectorat nous met sous tutelle. Aujourd'hui c'est l'arbitraire de la décision, demain c'est le fouet de l'obéissance.
Il faut contester la décision du rectorat qui nous réduit à un état de mineurs. Un professeur peut-il être en état de mineur ? Exigeons le principe de l'usage public de la raison contre les pratiques mesquines et clandestines du rectorat.
Nous ne sommes pas des INCOMPTÉS. NOUS SOMMES DES ACTEURS INCONTOURNABLES DE NOTRE CAMPUS ! INDIGNONS-NOUS, NOUS N'AVONS QUE LA DIGNITE À OPPOSER AU GROTESQUE !
Edelyn DORISMOND
Professeur de Philosophie

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